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Lucilia enfile sa troisième paire de gant, puis sort de la
zone de décantage pour s’engouffrer dans un tunnel de 15 mètres de long,
jalonné par une suite de sas de décontamination (plus d’une dizaine) chacun
ayant leur rôle minutieusement programmé et hiérarchisée.
Personne n’aimerait se faire décontaminer à l’hydrogène
avant la douche antibactérienne, à moins de voir son système immunitaire
s’effriter comme une vielle écorce. Pas plus que d’enchainer le rehausseur
d’idée avec le sas de décompression antisubversif, on marcherait sur la tête.
C’est pourquoi le tunnel entier et reprogrammé chaque heure et en fonction des
utilisateurs.
Au début il arrivait qu’une buse se coince et que le citoyen sorte du sas avec
une Rage Nihiliste plutôt qu’un Matin Majestueux, il était donc crucial de
maitriser au mieux cette formidable usine décontaminante
A la sortie du tunnel l’attends le minitank de service social qui doit
l’emmener à son boulot.
Comme à son habitude elle remplit le formulaire tout en se frottant le menton,
comme pour réfléchir à la façon de remplir ce formulaire qu’elle a déjà remplie
sans la moindre rature et ce pendant 22 années consécutives.
Satisfaite elle tend le formulaire rempli et signé à la
police chrétienne française, qui après l’avoir fouillée et débarrassée de ses
chaussures de dortoir, lui tends le bras vers l’entrée du minitank.
Frank et déjà là, assis au fond, il la salue avec un sourire entendu quelque
peu comique, c’est ça façon de saluer tout le monde, comme s’il avait déjà
entendu votre blague et vous encourageait tout de même à poursuivre.
il lui marmonne quelque chose, elle lit son monojournal sans lever les yeux
« c’est-à-dire que je vous entends utiliser plusieurs
mots Frank, mais la phrase refuse de venir »
Elle se sent théâtrale. Sa requête de sous promotion à enfin été validée par le
quatrième commandant de ménagerie, qui n’aurait qu’à la faire glisser à
l’adjoint du député départemental, qui la fera atterrir chez le Patriarque des Métiers
de l’Administration. Dans dix mois, voir un peu moins, elle pourra peut-être
recevoir sa sous prime de fonction dérogatoire (sa mère étant morte pendant le
séisme sur Adonis deux ans plus tôt) et se payer le chic de prendre un Week end
de congés, comme ses ancêtres.
Elle avait d’ailleurs entreprit d’aller camper dans le jardin synthétique de la
zone nord, avec un panier de nourriture demie-lyophilisée, pour se reconnecter
avec des pratiques passées. Dans l’ennui du trajet, elle se projetait en Davy
Crocket, chevauchant un Néo-Ours, une kalachnikov laser à la main.
Plus loin
« On va se débarrasser des projeteurs d’ondes qui viennent d’être
installée dans le quartier, et on fait ça ce soir »
le groupe trésaille, passe de l’euphorie au doute. Quelques camarades s’en vont
rapidement, l’air d’être occupés ailleurs.
« Et les drones ? les senseurs solaires ? les
keufs ? »
« On a une marge de manœuvre à minuit. Ils sont occupés avec la fête de la
Discipline urbaine en hypercentre. Un pote m’a dit qu’il avait entendu un keuf
parler de rameuter les patrouilles de notre zone là bas. Ça marchera si on part
maintenant »
« Quel pote ? et les senseurs ?»
« On a tous un kway antibrouille non ? suffit de
rester compact. On a trois spots qu’on peut éclater ce soir. Franchement moi je
dis que c’est faisable. Se sera pas des plus durs » il nous regarde moi et
la fille que j’ai entrainée avec.
A vrai dire je l’ai rencontrée pendant la réunion émeute 95, et je saurais même
pas dire son nom. Mais elle rigole à mes blagues et elle me regarde dans les
yeux, alors j’ai plutôt l’impression qu’elle m’apprécie. Ah et elle me suit
dans des aventures illégales aussi. Ça joue
Nous acceptons
Il est minuit moins dix et nous courons à cinq ou six en direction du panneau
projecteur le plus proche du lieu de la réunion.
« Ces saloperies ne se contentent pas de scanner ton
biotope, elle l’affiche aux yeux de tous, dans la rue. A la moindre infraction,
maladie, pensée subversive, eczéma, poil de cul… elle t’affiche, toi, ton
numéro de dortoir, tes anagrammes, toute ta vie.
De sorte à ce que quand la police t’embarque, les passants se rincent l’œil sur
le genre d’ordure que tu peux être.
« Ils installent ces panneaux que dans l’extra-périphérie, bien entendu.
Monsieur tout le monde n’aimerait pas qu’on apprenne avec quel genre de vice il
s’entretient. » Il retire son sac à dos et sort un aimant, ainsi qu’un
petit bout de métal tordu de façon étrange.
« Bloc, maintenant ! » On se colle tous à lui
pendant qu’il s’approche du panneau
Je suis dans son dos. Ses cheveux noir corbeau et son parfum m’atteignent. J’ai
une légère érection, que j’essaie de cacher malgré le fait que nos corps soient
compressés.
Nous avançon tel un gros blob informe et noir
Une fois contre le panneau, le camarade situé à l’avant du blob passe l’aimant
sur le coté gauche, en bas de la structure. Une plaque de métal coulisse alors,
et il enfonce le bout de métal chelou.
L’encadrement du panneau se déchausse, laissant à nue le projecteur qui fait
maintenant face à nos regards avides
« défoncez moi ce gros batards »
Le projecteur en lui-même n’est qu’une fine couche de
silicone gélatineuse, nous l’empoignons à plusieurs avec nos gants.
Nous sommes le blob destructeur
pendant que je me penche pour saisir la gélatine, elle pose ses fesses contre mon
entrejambe. Ses fesses sont deux petites pêches musclées. Elle le fait le plus intentionnellement
du monde, galvanisée par l’action libératrice et folle que nous avons entrepris
sur un coup de tête. Elle marche à fond, nous sommes tous à fond. Nous sommes
une hystérie aux multitudes de membres adrénalynés.
Une fois le premier panneau dépecé, nous allons entreprendre les autres avec
plus d’assurance et de technique à chaque fois, et à chacun de ses panneaux se
continue notre jeu de séduction. Nous nous touchons un peu plus, nous nous
reniflons, nous mordons.
Une fois les panneaux hors d’état de nuire, nous décidons de nous séparer au
plus vite. Elle m’entraine en direction de son dortoir, en me trainant par la
main. Je la suis aveuglément comme elle m’a suivi jusqu’ici
Assis dans sa cellule, ou le lit superposé touche le frigo,
je l’entends bidouiller l’hydro laser afin que celui-ci ne lui transmette pas
l’inhibiteur de libido en plus de la décontamination.
C’est une magouille assez simple en fait : vous laissez le laser vous
nettoyer de bas en haut, et arrivé au niveau de la bouche vous interrompez le
processus. C’est comme ça que les révoltés transforment une machine à détruire
la libido des citoyens en une formidable douche anti mst.
J’entends la petite alarme d’extinction d’urgence. Elle sort du sas.
« J’ai un copain » ses bras sont couverts de cicatrices. Sur ses
avants bras, ses poignets, partout. Sa chaire est zébrée de part en part,
aucune parcelle de ses bras n’est lisse et continue
Je regarde sans avoir l’air d’y prêter attention.
« on est pas obligé d’aller plus loin»
elle me tends un petit pot de baume rond « je veux qu’on fasse ça
ailleurs »
Je regarde autour de moi en haussant les épaules, elle se moque de moi et me
tourne le dos
je pose mon nez dans sa nuque et embrasse la base de celui-ci jusqu’à ses
épaules. Le plus doucement possible. Mes mains caressent ses hanches et
remontent tranquillement sous ses seins
Elle ronronne de plaisir, sa respiration s’affole, et m’invite dans son lit
Je n’ai jamais fait ça avant. Elle m’apaise en m’expliquant
que c’est ok, que j’ai juste à utiliser beaucoup de lubrifiant. Elle se couche
sur le ventre et me regarde en souriant d’un air de défi
J’empoigne ses fesses chaudes et m’enfonce doucement dans son ***
J’ai l’impression d’être un félin trop entreprenant, tentant de passer sous une
porte mais qui y arrive tant bien que mal
L’effet de cette sensation inédite éléctrocute mon sexe qui se chauffe à blanc,
et viens chauffer mes entrailles. Mes hanches se balancent d’elles-mêmes dans
une mécanique dont je parviens tant bien que mal à contrôler la cadence.
Mon cerveau affiche page blanche. Mon liquide cérébrospinal semble
avoir été remplacé par du lait entier. C’est le silence en moi, que seul les
saccades rugissante du lit dérangent
De temps à autre ses yeux forment deux lignes blanches, et sa langue gonflée
bave sur son oreiller.
A ce moment précis nous ne sommes plus civilisés, tous les filtres et les
masques que nous nous efforçons de porter pour être aimé, accepté, toléré, tout
disparait.
je sens mon estomac se contracter et une pulsion venir au fond de moi-même
Et a mesure que la vapeur se condense le plaisir augmente
je jouis en elle dans un instant qui suspends le temps
je ne suis plus personne, je suis le cosmos personnifié, je suis mort et en vie
à la fois
Et la fatigue pose sur moi son manteau de plomb. Nous nous étendons satisfait
« tu n’as pas eu peur tout à l’heure ? »
« si, et toi ? »
« Oui mais ça allait, je les avais déjà vu à l’œuvre
les autres et je sais qu’ils savent ce qu’ils font. Sinon je les auraient pas
suivi. »